Relief du temps
Comment en es-tu venu à la création ?
Ecolier déjà. Je passais mon temps durant les cours à reproduire les illustrations de mes manuels sur les bancs en formica blancs. Mon crayon glissait avec aisance sur la matière lisse à la façon d’un patineur sur la glace. Par la suite j’ai découvert les galeries d’art casablancaises ce qui m’a poussé à vouloir devenir artiste. Contre toute attente je me suis inscrit à l’école des beaux arts de Casablanca avant de poursuivre mes études supérieurs en Belgique. je tiens néanmoins à souligner que ce n’est pas la formation académique qui fait l’artiste. L’enseignement se contente uniquement d’éduquer le regard et de se frayer un chemin vers la création.
Quelle est ta démarche plastique ?
je suis avant tout un peintre car la couleur est omniprésente dans mon travail. Ma brève expérience dans la gravure m’a poussée à travailler sur la transparence et la lumière. Le support papier fait partie intégrante de mon travail et il devient à lui seul une œuvre d’art. Depuis que j’ai découvert son procédé de fabrication, qu’il soit asiatique ou occidental, mon travail a gagné en dépouillement. La blancheur rugueuse et les reliefs du papier donne à l’œuvre une dimension particulière. On m’a souvent interrogé sur ma façon de charger le bas de mes compositions. Ma réponse :<< C’est une forme d’évasion et de liberté.»
Parles-nous du cheminement de ton travail.
Je suis à cheval entre deux formes picturales : l’une est la couleur et la toile, l’autre, le papier et la matière. Se sont deux modes d’expression différents, un peu comme le chaud et le froid. La toile se travaille avec de la couleur et de l’huile alors que le papier nécessite de l’eau et de la cellulose. Mes compositions et mes discours sont à peu près les mêmes quel que soi le support que j’utilise. Quant aux résultats, je laisse aux critiques et aux regards le soin de les apprécier.
Décris-nous ton atelier.
Vous voulez dire mes ateliers car j’en ai trois qui font chacun 100 mètres carré. Le premier abrite les presses destinées à créer des travaux monotypes. Le second atelier est réservé aux machines de raffinage de la pâte à papier et à la réalisation de papiers aux dimensions variables. La cuisson des pâtes à papier se fait en plein air.
Quant au troisième espace, c’est là où je stocke mes travaux.
Quels sont tes matériaux de prédilection ?
Pour la couleur je me sers d’encres que je travaille sur des surfaces tantôt lisses ou gravées afin d’obtenir un effet lumineux.
Quant à la fabrication de mon papier j’utilise la plupart du temps du lin ou du coton pour réaliser un produit solide. Voici les bases de mon travail mais cela ne m’empêche pas de travailler avec d’autres objets afin de réaliser des empreintes et des moulages.
Par rapport à ton travail comment situes-tu cette exposition à la galerie ab ?
Ca sera ma troisième exposition individuelle à Rabat. J’y ai exposé la première fois en |989 à la galerie I’Atelier puis à Bab Rouah en 2005. J’aime accompagner les jeunes galeristes à leur début dans la grande aventure qu’est l’art. ab est une galerie dynamique et ouverte aux artistes contemporains.
Des noms d’artiste ou des rencontres qui ont influencé ton travail…
Enfant, j’étais un grand fan de Modigliani, puis, je fus très influencé durant mes études d’art par George Mathieu, peintre de l’abstraction lyrique Au bout du compte je n’aurais pas retenu grand-chose de ces deux artistes aussi différents l’un que l’autre à part qu’ils m’ont enseigné le goût de la recherche et des expériences.
Pour toi l’art…
L’art est une expression qui peut devenir un fort médium de communication. l_’art éduque et aide à vivre autrement.
Quelles sont les idées que tu défends à travers ton art?
Comme je l’ai déjà mentionné ci dessus, il existe dans mes compositions des fragments où s’expriment une forme d’évasion, de liberté, de sincérité et d’épanouissement.
Comment te situes-tu dans les courants de l’art contemporain ?
S’étiqueter soi même est une forme de suivisme orje suis un iconoclaste dans les mouvements picturaux. Quand je crée j’ai besoin de faire le vide et de me centrer sur moi-même afin de fournir un travail original.j’aime travailler en toute liberté en refusant les codes et les contraintes. Voilà pourquoi il me parait difficile de me situer dans un quelconque courant d’art contemporain.
A quelle époque aurais-tu aimé être peintre ?
je ne regrette pas de vivre à mon époque. je me sens libre d’exploiter le passé tout en ayant un langage contemporain.
Ton lien avec d’autres formes d’art. . .
Si je vous dis que j’aime la musique, vous n’a|ler pas me croire car je suis mal entendant! je ne suis pas né sourd et la musique stimule ma créativité. Peut être grâce à ses vibrations et l’évocation d’une époque où je pouvais en jouirje suis également attiré par la sculpture que j’utilise en réalisant des plâtres avec des bas reliefs en trois dimensions pour mes papiers.
Pour toi le regard des autres…
Selon moi il existe trois formes de regard : celui du profane qui demande des explications, un autre plus averti qui vibre et félicite, et enfin celui du spécialiste qui cherche à maîtriser l’approche de mon travail afin d’en informer un large public. Face au premier regard j’ai l’impression d’être un professeur qui donne une leçon sur l’art sans pour autant convaincre, quant au second il est plutôt flatteur. Pour finir, le troisième regard m’aide à mieux faire connaitre mon art.
Si tu étais une œuvre d’art. . .
je dialoguerai avec l’observateur qui aurait été capable de saisir l’âme du créateur’.
Qui es-tu ?
Tibari kantour. Un être solitaire qui vibre par vibration artistique !